Accueil Culture In Memoriam—Abdelmajid Lakhal : « L’inspecteur » qui creva l’écran !

In Memoriam—Abdelmajid Lakhal : « L’inspecteur » qui creva l’écran !

Il ne portait pas l’imper chiffonné de Columbo ou  l’impeccable costume à dominante verte, comme on les apprécie Outre-Rhin, de Derrick. Il n’avait besoin ni de la pipe de Maigret ni du stylo émetteur de James Bond ou de sa montre radar. En fait, il n’avait rien de James Bond, et surtout pas le sex-appeal. Adelmajid Lakhal avait pourtant réussi à crever l’écran dans son rôle d’inspecteur dans la série « Ibhaath maana » (Cherche avec nous) (1984/88) série policière de Abderrazak Hammami, présentée par Salah Jegham. Le suspense y atteignait des degrés inimaginables et le téléspectateur était convié à débusquer le criminel et à participer par téléphone à l’émission à laquelle assistait un public de grands mordus de thrillers. Il nous a quittés le 27 septembre 2014.

Tahar Melligi reviens dans cet article sur un parcours d’une histoire d’une passion infinie pour les planches et la scène.

Biographie

Né à Bizerte le 29 novembre 1939, Abdelmajid Lakhal a vu le jour dans le foyer d’Ali Ben Salah Lakhal, haut fonctionnaire au ministère de l’Education, et de Chedlia Bent Chedly Chakroun, issue d’une des plus grandes familles bizertines.

Abdelmajid Lakhal trouva, à son enfance passée à Hammam-Lif, une grande sollicitude de la part de son père, membre actif de la troupe Arraad Ettamthili à Hammam-Lif.

Il a commencé ses études à l’école primaire Dar El Bey à Hammam-Lif.

Son père l’emmenait aux répétitions de la troupe Arraad Ettamthili, et le garçon a fini par mordre à l’hameçon. Il joua un petit rôle dans la pièce Khatimet Ennifak de Salah Zouaoui, jouée par Mohamed Hefdhi et Zohra Féïza. Il allait par la suite chanter à l’entracte des pièces présentées par la Troupe Al Manar dirigée par le virtuose Ridha Kalaï, et ce, durant deux bonnes années.

Mais le père d’Abdelmajid préféra orienter son enfant vers les études.

A onze ans, le père l’éloigna des milieux artistiques, même si Mohamed Hefdhi et Ridha Kalaï lui conseillèrent d’engager son bambin à la radio.

Il poursuivit donc ses études au lycée de Radès, loin de la tentation des projecteurs des arts.

A l’indépendance du pays en 1956, dans le feu du foisonnant mouvement culturel et de création de troupes et d’associations en tous genres, Abdelmajid s’inscrivit au club des lycéens et étudiants d’Hammam-Lif où il poussa la pratique du théâtre jusqu’à rompre ses études. Salah Mehdi et Hassen Zmerli, qui exerçaient au ministère de l’Education, conseillèrent son père de l’inscrire à l’école du théâtre arabe. Ce qui fut fait. Il y trouva Mohamed Lahbib, Hassen Zmerli, Mohamed Agrebi, Othman Kaâk et Tahar Guiga.

A la faculté du théâtre des nations

A la fin de l’année, Abdelmajid Lakhal obtiendra le diplôme et, à la nationalisation de l’école en 1960, il y revient pour approfondir sa formation en danse populaire sous la direction de Hamadi Laghbabi, la danse classique sous celle de Kiriakopoulos… Il reste donc à l’Institut national du théâtre, de la musique et de la danse (nouvelle appellation de l’école) deux bonnes années, pour maîtriser parfaitement la diction grâce au talent de Mohamed Agrebi. Il joua dans la pièce «Follione» et intégra l’Union générale des étudiants tunisiens. Il mit en scène pour la première fois une pièce en 1961 : «Les femmes en danger» (Anissa fi khatar) de l’écrivain Ezzeddine Madani.

Troupe municipale

Abdelmajid Lakhal passa à la troupe municipale en 1962 avec son copain Mohsen Ben Abdallah lorsqu’il fut invité à effectuer un stage à la faculté du théâtre des nations. Il découvrit avec étonnement et enchantement le professionnalisme grâce à Peter Brook et Lukoc.

Il étudia toutes les écoles du théâtre universel et se spécialisa dans les effets techniques.

De retour à Tunis à la fin de l’année, il trouva Aly Ben Ayed à la tête de la troupe municipale.

Il y exerça dans les effets techniques et en tant qu’assistant du metteur en scène.

Il effectua ensuite un stage au centre des hautes études théâtrales d’Hammamet. Stage animé par John Littlewood, Peter Brook, Ribozio…

La même année (1964), il fut appelé à enseigner au lycée Khaznadar et mit en scène la pièce… Œdipe Roi.

Au théâtre de l’Odéon à Paris, il effectua un stage en 1965 où il étudia la théorie et la pratique de la mise en scène.

Lakhal prit dès lors une nouvelle dimension, mettant en scène pour la première fois, pour le compte de la Troupe de la ville de Tunis, Huit femmes, Le marchand de Venise, Noces de sang. Il joua dans Caligula, Yerma, Othello, Hamlet, Richard III, Mourad III, Des cages et des prisons, Mejnoun Leïla, L’avare et Hazzara.

Abdelmajid Lakhal mit en place les décors et les costumes des opérettes Eddonia zhat, Joumana, Beïn noumine et des pièces Mille et Une Nuits, Golbani, Ettassouira et le 4e univers.

Abdelmajid Lakhal a évolué avec la troupe municipale de la ville de Tunis en France, Algérie, Maroc, Libye, Autriche, Egypte, Liban, Irak, Koweït et Qatar.

L’inspecteur dans la TV

Au cinéma, Lakhal joua Le Christ en 1975 de Rosselini, Aïssa de Zeffirelli, Aziza en 1979 de Abdellatif Ben Ammar, Sarab de Abdelhafidh Bouassida en 1981, Ryah al akdar (Le vent des destins) de Ahmed Jemaï et Echec et mat du grand cinéaste Rachid Ferchiou aux côtés de la comédienne égyptienne Shérihane.

A la télévision, Abdelmajid Lakhal s’illustra dans ses œuvres Aïtiraf de Hamadi Arafa, Ziad Allah Al Aghlabi de Ahmed Harzallah, Yahia Ibn Omar, 1er prix d’interprétation masculine lors d’une session du Festival des télévisons arabes, Al Wathik Bellah Al Hafsi, etc.

Cherchez avec nous !

Dans la série policière Ebhath maâna (Cherchez avec nous) présentée par Salah Jegham et réalisée par Abderrazak Hammami de 1984 à 1988, Abdelmajid tira son épingle du jeu dans le rôle de l’enquêteur.

Dans Rihana, écrit par Mohsen Arfaoui, il incarna le rôle du prince.

Abdelmajid Lakhal a constamment privilégié la qualité aux dépens de la quantité, cherchant la perfection et l’excellence.

L’histoire des arts en Tunisie retiendra d’ailleurs ce côté perfectionniste qui fit que Abdelmajid Lakhal se rendit célèbre par des œuvres d’une grande qualité artistique.

Tahar Melligi

Filmographie

1975

Le messie ( il messia ) de Roberto Rossellini avec Tina Aumont

DO Fatma 75 ( arabe 75 ) de Salma Baccar avec Jalila Baccar

1976

Jésus de Nazareth ( Jesus of Nazareth / Gesù di Nazareth ) de Franco Zeffirelli avec Robert Powell

1979

Aziza ( arabe ) de Abdellatif Ben Ammar avec Yasmine Khlat

1980

Mirages ( al-sarab / arabe ) de Abdelhafidh Bouassida avec Mohamed Habachi

1987

CM La mort en face ( arabe ) de Mohamed Damak

1991

Le vent des destins ( ryah al akdar / arabe ) de Ahmed Jemaï avec Mouna Noureddine

1993

Echec et mat ( kich mât / arabe ) de Rachid Ferchiou avec Françoise Christophe

2000

Fatma ( arabe ) de Khaled Ghorbal avec Awatef Jendoubi

Une odyssée ( al oudyssa /arabe) de Brahim Babaï avec Raouf Ben Amor

2005

Bab’Aziz, le prince qui contemplait son âme ( Bab’Aziz ) de Nacer Khemir avec Golshifteh Farahani

2010

Or noir ( black gold ) de Jean-Jacques Annaud avec Antonio Banderas

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